Au lieu d’interpréter

Elle me regarde et je ne sais trop pourquoi, mais j’ai l’étrange sensation qu’elle n’est pas de bonne humeur. Je me dis qu’elle a peut-être eu une nuit difficile.

Quelques instants plus tard, je la regarde à nouveau et elle a définitivement l’air fâchée. Et comme elle ne me parle pas, j’ai bien l’impression que c’est après moi.

Je passe devant elle pour aller me verser un verre d’eau. Je la salue, lui sourit et lui demande comment elle va. Elle me répond : « Ça va ! », mais j’ai l’étrange sensation que ce n’est pas tout à fait vrai.

Je passe près d’elle, je place ma main dans son dos. Je m’installe par-derrière pour la prendre dans mes bras. Elle se laisse faire, mais j’ai encore cette sensation que quelque chose ne va pas. Elle semble me cacher quelque chose.

Je lui offre un smoothie (je m’apprête à m’en faire un), elle accepte en esquivant un sourire, sans plus. Elle n’est pas comme d’habitude et même si je cherche dans tout ce qui s’est passé depuis quelques jours, je n’arrive pas à trouver ce qui peut bien clocher. Je n’ai pas le souvenir d’avoir été déplacé ou d’avoir dit quoi que ce soit qui aurait pu la mettre dans cet état.

Je peux bien continuer à être gentil, mais tout ça ne me permet pas de dissiper ce malaise. Même si je lui faisais le dîner, que je lui proposais une activité, ou que je m’occupais de tout, je ne crois pas que ça changerait réellement comment elle se sent. Et comment je vis la situation par la même occasion.

Alors, je m’approche d’elle et je m’apprête à faire la seule chose qui m’apparaît utile en ce moment : valider avec elle ce qui se passe.

« J’aimerais valider avec toi ce qui se passe en ce moment, car je ne me sens pas bien et je voudrais éviter de m’en faire pour rien. Accepterais-tu de me dire ce qu’il y a ? ».

J’ai tout de suite pu observer son énergie changer drastiquement. Ses épaules se sont détendues, sa respiration s’est allongée et son visage s’est détendu. Ça valait la peine de poser la question 😉!

Vois-tu, j’aurais pu interpréter, j’aurais pu me dire que ça allait passer, j’aurais pu tenter de lui plaire afin qu’elle cesse de me regarder ainsi, j’aurais pu quitter et revenir plus tard, j’aurais pu …

Mais tout ça n’aurait servi qu’à masquer la vérité. Ces petits gestes remplis de bonté n’auraient servi qu’à invalider ce qui était là pour moi, et par le fait même ce qu’elle vivait en cet instant.

Au lieu de me demander ce que j’avais bien pu faire, j’ai choisi d’aller vers elle et de lui demander ce qui se passait. Pour maintenir le lien, pour nourrir la relation, c’était selon moi la meilleure chose à faire. Valider au lieu d’interpréter est souvent l’action qui manque dans la relation à l’autre.

Alors, elle m’a regardé. J’ai vu l’humidité poindre aux coins de ses yeux. Puis, quelques larmes se sont mises à couler. J’anticipais le pire pour être honnête, mais j’ai choisi de respirer profondément et de maintenir l’espace de bienveillance qui était présente entre nous. Et après quelques instants elle m’a dit : « Je pense à Charlot ! Je m’ennuie de lui. ».

Quelques semaines auparavant Charlot, son petit chat blanc de deux ans et demi est décédé par suite de complications urinaires. Elle vivait de la peine, car il lui manquait.

Ça n’avait rien à voir avec moi. Ça avait tout à voir avec ce qu’elle vivait. Nous aurions pu nous accrocher cette journée-là. J’ai plutôt choisi de valider ce qui était là afin de mieux comprendre. J’ai choisi de nourrir le lien au lieu de lui rappeler l’importance de sourire et d’être heureuse. Merci à la communication bienveillante, elle m’a bien servi encore une fois.

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